En droit criminel, le système des jurys populaires, utilisant des quidams triés sur le volet qui ont peu ou prou de connaissances en droit (un bémol: ils sont choisis tout de même minutieusement par consensus entre les avocasseux des deux parties), est intrinsèquement conçu pour engendrer un biais en faveur des autorités, i.e. en défaveur de l’accusé, souvent parce que les jurés ignorent le principe de présomption d’innocence et parce que ceux-ci sont beaucoup plus sensibles à la propagande répressive médiatique que les initiés en droit criminel, tout en créant une illusion de démocratie dans le système de justice.
Aussi, du début du processus de sélection des jurés au début des délibérations (à ce moment-là, ils sont séquestrés), les membres du jury sont fortement exposés à la propagande médiatique répressive, induisant une présomption de culpabilité ou valorisant le verdict le plus dur contre l’accusé (ce qui est le cas dans le procès de Guy Turcotte, où les médias ont fait la promotion du verdict de meurtre prémédité) sous le copinage intéressé du gouvernement, représenté par le Procureur de la Couronne. Pendant que le gouvernement se sert des médias en toute impunité pour priver le droit à un procès juste et équitable de l’accusé, ce même gouvernement a l’outrecuidance de priver la défense de son propre droit de parole publique qui pourrait pourtant assurer une certaine contre-propagande contre la propagande médiatique répressive, allant même parfois jusqu’à considérer l’usage d’un tel droit de parole comme étant criminel (outrage au tribunal: notons que cette dernière affirmation ne s’applique pas dans son intégralité aux États-Unis, où la défense peut être beaucoup plus bavarde).
Il serait hautement présomptueux de ma part d’affirmer que le jury a tort ou a raison même si, depuis l’annonce du verdict, plusieurs ti-jos connaissants s’en donnent à coeur joie pour lyncher publiquement les « hosties de jurés qui ont encore une fois pris partie pour un meurtrier d’enfant », sans tenir compte du fait qu’il ne s’agit pas d’un verdict d’acquittement. En fait, mes connaissances en justice criminelle et en psychiatrie sont insuffisantes pour formuler une opinion légitime sur la pertinence de ce verdict.
Néanmoins, je tiens à féliciter les membres du jury pour leur verdict, car il est basé sur leur perception personnelle provenant de leur connaissance pointue du dossier et non pas sur l’opinion populaire basée sur la propagande médiatique répressive provenant d’une connaissance succincte de ce même dossier. Je tiens aussi à les féliciter pour avoir dénoncé et provoqué l’expulsion d’un membre du jury qui basait son jugement sur cette même opinion populaire. Une telle dénonciation ne doit pas se produire très souvent, ce qui défavorise encore une fois les accusés…
Par contre, loin de moi l’idée de les considérer comme des héros, car ils sont pour moi aussi des sombres crétins. Non pas en raison de leur verdict, mais parce qu’ils ont accepté de se plier à cette mascarade étatique répressive qu’est le système des jurys populaires…
Par ailleurs, je ne suis pas le seul à féliciter les membres de ce jury, Papitibi le fait de manière beaucoup plus dithyrambique que moi dans ce billet.
Le consensus entre les avocats? La Couronne et la défense ont le droit d’exclure des candidats jurés, lorsqu’ils les croient hostiles à leur thèse. La défense va rejeter un candidat qui affirme qu’à son avis, quand une accusation est portée, elle est probablement bien fondée. Évidemment, les questions posées aux candidats sont plus subtiles. Quant à la Couronne, elle ne va pas admettre trop de tatoués hirsutes parmi les jurés au procès d’un motard.
Consensus? Les deux avocats peuvent être d’accord sur le fait que le candidat X ne semble pas avoir de préjugés. Ne semble pas… Dans le procès Turcotte, l’un des jurés a été exclu pcq il a semblé aux 11 autres que son idée était faite AVANT la fin du procès. Le juge l’a confronté, et on a vu le résultat…
= = =
Le biais en faveur de la poursuite? David, aucun régime n’est parfait, et le nôtre ne fait pas exception. Mais des dizaines de régimes de droit dont j’ai une certaine connaissance des fondements, le régime canadien me semble le plus adéquat. Ou, si tu préfères, le moins pire. Les conceptions française et américaine de la justice criminelle se sont heurtées de front dans l’affaire DSK. Aux USA, on a la « présomption d’innocence », mais la pratique du PERP WALK (faire parader les accusés menottés devant les caméras) rend bien difficile la formation d’un jury impartial. C’est pour cette raison que j’ai dénoncé.
En plus, aux USA, certains juges et « district attorneys » sont élus, et la nomination de certains d’entre eux est révocable… s’ils ne font pas l’affaire. Mais « ne pas faire l’affaire », c’est quoi? La juge qui avait refusé le cautionnement à DSK a été nommée par le maire Bloomberg et Bloomberg avait dit de DSK: « s’il veut pas parader menottes aux poings, il n’a qu’à ne pas violer ».
Disons qu’après ça, c’est difficile de former un jury impartial!
Mais au Canada, les juges et avocats de la Couronne sont inamovibles (y a des exceptions, comme l’ex juge Flahiff, dégommé pour activités criminelles). Cette inamovibilité les rend moins serviles envers l’État… ou moins sensibles à l’opinion publique (au Qc, 80% de la population est contre le verdict Turcotte).
Et que fais-tu de la règle du doute raisonnable? Bien sûr que, au départ, les jurés sont nuls en droit. Mais as-tu déjà assisté à un procès devant jurés? As-tu déjà entendu les directives du juge (« adresse aux jurés », dans le jargon juridique)? As-tu LU la transcription de telles directives? Les jugements des tribunaux d’appel en citent de longs extraits, dans les dossiers où l’une des parties estime que l’adresse aux jurés ne respectait pas les règles…
Dans le procès Turcotte, le juge a bien exposé les 4 verdicts possibles, et il a bien expliqué quelles conclusions devaient mener à quel verdict.
Quant à la notion du doute raisonnable, t’en fais pas, c’est bien expliqué.
Mon ex a été appelée comme jurée dans un procès à Toronto. Elle n’avait pas encore son PhD en socio mais elle venait de compléter sa scolarité de doctorat en philo, et l’expérience l’intéressait; l’accusé avait été acquitté, même si elle même (et d’autres) estimaient plus probable qu’improbable qu’il fût coupable d’agression sexuelle.
J’ajoute que mon ex correspond à l’image que certains masculinistes se font d’une « fémi-fasciste ». Et pourtant, en sa qualité de jurée, elle a voté pour l’acquittement…
« Le consensus entre les avocats? La Couronne et la défense ont le droit d’exclure des candidats jurés, lorsqu’ils les croient hostiles à leur thèse »
Donc, il s’agit d’un consensus indirect puisque les deux parties ont le droit de regard sur le choix du jury. Bien sûr, ils ne se consultent pas, ce que je savais fort bien.
« Le biais en faveur de la poursuite? David, aucun régime n’est parfait, et le nôtre ne fait pas exception. Mais des dizaines de régimes de droit dont j’ai une certaine connaissance des fondements, le régime canadien me semble le plus adéquat. Ou, si tu préfères, le moins pire. Les conceptions française et américaine de la justice criminelle se sont heurtées de front dans l’affaire DSK. Aux USA, on a la « présomption d’innocence », mais la pratique du PERP WALK (faire parader les accusés menottés devant les caméras) rend bien difficile la formation d’un jury impartial. C’est pour cette raison que j’ai dénoncé. »
Vous avez raison de dire que le système cacanadian (et moins pire encore, son administration culbécoise, ce qui explique entre autres pourquoi j’étais contre la Commission Tabarnache) est probablement le moins pire système d’injustice médiocratique. J’en conviens.
« Et que fais-tu de la règle du doute raisonnable? Bien sûr que, au départ, les jurés sont nuls en droit. Mais as-tu déjà assisté à un procès devant jurés? As-tu déjà entendu les directives du juge (« adresse aux jurés », dans le jargon juridique)? As-tu LU la transcription de telles directives? Les jugements des tribunaux d’appel en citent de longs extraits, dans les dossiers où l’une des parties estime que l’adresse aux jurés ne respectait pas les règles…
Dans le procès Turcotte, le juge a bien exposé les 4 verdicts possibles, et il a bien expliqué quelles conclusions devaient mener à quel verdict.
Quant à la notion du doute raisonnable, t’en fais pas, c’est bien expliqué. »
Je présume en effet que les juges font le meilleur travail possible concernant cet aspect. Mon problème est que des individus qui sont ignorants en droit ont tendance à être plus sensibles à l’opinion publique et à la propagande médiatique.
« J’ajoute que mon ex correspond à l’image que certains masculinistes se font d’une « fémi-fasciste ». Et pourtant, en sa qualité de jurée, elle a voté pour l’acquittement… »
Alors ça veut dire que votre ex-conjointe est probablement très brillante. Ou peut-être qu’elle n’est pas vraiment fémi-favoritiste, au fond! 😉
@David
Elle l’est!
@David
J’aurais dû préciser: elle est brillante +++ (QI de 150) et féministe ++++
Tant mieux! 🙂
@David
Je viens de soumettre un commentaire. Il n’est pas publié. Je ne croyais pas être « modéré » ici; si tel était le cas, est-ce à cause de cet usurpateur d’identité qui a écrit des insanités sous mon pseudo chez les 7 du Qc, ce week-end?
Oh, désolé pour ça! Maintenant, ce commentaire n’est plus en modération. Je ne comprends pas pourquoi ça s’est produit.