En raison du nombre exceptionnel de commentaires reçus pendant mon absence, j’ai décidé de répondre à certains commentaires dans plusieurs billets spéciaux. Je réponds en m’adressant directement au lecteur concerné. Soyez patients, je vous répondrai un jour!
Dans ma page ANARCHO-PRAGMATISME?, Bakouchaïev me dit ceci:
À la base, je voulais écrire quelque chose par rapport à ta position sur la question nationale, mais tu (je peux dire tu?) as dis d’autres trucs qui méritent peut-être encore plus de commenter.
Pas de problème, tu peux me tutoyer! 🙂
«Je parle de certaines manifestations violentes et des dérives totalitaires communistes ou bolchévistes amorcés par des tentatives de révolutions anarchistes.»
Ce passage-là est vraiment douteux. C’est vrai qu’au départ, ce sont des anarchistes qui ont fomenté la révolution en Russie (et les nihilistes qui ont préparés le terrain au 19e), mais ils ont été les premières victimes des Bolcheviks qui ont pris le contrôle de la révolution et qui ont démolis les Soviets. Je sais pas trop quelle est ton analyse de l’histoire de la révolution russe, mais elle est bizarre. J’ai beaucoup de misère avec les termes anarcho-socialistes et anarcho-communistes à cause de ce qui s’est fait au nom du socialisme et du communisme, mais il ne faudrait pas réinventer l’Histoire non plus ou faire des liens douteux…
Je suis d’accord avec toi mais, en ce qui concerne le totalitarisme et le bolchévisme, je n’ai rien dit qui va à l’encontre de ce que tu penses. Je sais fort bien que les anarchistes ne sont pas des totalitaristes étatistes ni des bolchévistes. Par contre, il faudra que les anarchistes tirent des leçons de l’Histoire et ajustent leur stratégie pour éviter ce genre de dérives totalitaires étatistes qui vont à l’encontre même de l’anarchisme.
De plus, par le passé, la violence a été trop souvent utilisée par des prétendus anarchistes alors que l’anarchisme prône la non-agression, sauf en cas de légitime défense. Voilà une contradiction fondamentale! La violence soi-disant anarchiste n’est pas de l’anarchisme. Fort heureusement, cette fâcheuse tendance irrationnelle tend à s’amenuiser avec le temps. On ne peut pas dire que les anarchistes sont très violents par les temps qui courent au Québec!
Pour ce qui est de ton point de vue par rapport au fait que le capitalisme est moins pire que l’État, je ne le partage pas et je ne le comprend pas non plus. Le capitalisme fait passé les profits d’une minorité avant tout et est totalement contraire à l’idéal anarchiste qui prône l’autogestion. Si on est contre toute forme d’opression et qu’on se bat en faveur de l’autogestion, on est forcément autant contre l’État que le capitalisme. Je ne vois pas de moindre mal entre les deux.
Tu sembles confondre « capitalisme » et « libre marché ». Je vais être plus précis, je suis anti-capitaliste et pro-marché, et tous les anarchistes et les libertariens devraient adopter cette position. Sans l’État, et sans le droit de propriété capitaliste tel que défini actuellement, le capitalisme deviendrait le libre marché: voilà pourquoi je prétends qu’il s’agit d’un moindre mal.
Mais ce n’est certainement pas avec un État encore plus coercitif qu’on va en arriver à combattre le capitalisme, car l’État et le capitalisme s’entendent comme des larrons en foire (on s’en aperçoit clairement, en cette périodre de crise financière, dans le dossier des banques et de parasites de l’automobile!) et, même si on en arrivait à l’abolir de cette manière, la structure étatiste tentaculaire et obèse qui en résulterait serait encore moins anarchiste que la social-médiocrassie, ce qui serait inacceptable. Comme le dit si bien Anne Archet: « l’État est le meilleur ami du capitaliste — et le libre marché, son pire ennemi.« . Pour abolir le capitalisme, il faut d’abord libérer les marchés en abolissant l’État, pas en abolissant les marchés par une coercition étatique encore plus accrue!
Finalement, je suis surpris que tu mentionnes l’économie participative. Dommage que tu ne défendes pas cette vision prometteuse davantage et que tu préfères te battre pour l’«indépendance» du Québec tout en modérant tes propos par rapport au capitalisme…
J’ai déjà répondu concernant le capitalisme. En effet, je n’ai pas suffisamment parlé de l’économie participative qui est tout à fait compatible avec le libre marché: ta critique est pertinente.
En ce qui concerne la séparation du Québec, j’ai expliqué à plusieurs reprises pourquoi les anarchistes doivent appuyer la séparation du Québec et j’y reviendrai certainement! De plus, j’ai créé ce blogue en mars dernier et il y a eu deux élections au Québec depuis ce temps, ce qui explique pourquoi j’ai beaucoup (trop) parlé de la séparation du Québec jusqu’à présent. En principe, je ne devrais pas en parler autant en 2009. Mais n’oublions pas qu’une autre élection fédérale est fort possible cette année (mais je ne crois pas que la coalition séparatiste va tenir), alors on ne sait jamais!
Je répondrai à d’autres commentaires dans un prochain billet…
Oui enfin, voici la différence: si on abolit le gouvernement et le remplace par un système de libre-marché, l’État est donc aboli, car l’État devient donc une bande de criminels sans aucune légimité… si on abolit le capitalisme, l’État est fortement affecté mais survit très bien, comme il l’a fait dans les siècles précédents…
Ça doit faire dix fois que vous me citez, alors voici ce que je voulais vraiment dire.
Le pire ennemi d’un capitaliste est son concurrent; voilà pourquoi ils s’arrangent pour ne pas en avoir. Les capitalistes n’aiment pas se plier à la discipline du marché parce qu’un marché vraiment libre = zéro profits. Par contre, ils adorent le marché lorsqu’il est à leur avantage (comme le marché du travail, par exemple).
Ceci étant dit, opposer le marché au capitalisme est idiot. Le capitalisme est la marchandisation du monde; je ne vois pas comment le fait de réifier encore plus les relations entre les individus va éliminer le capitalisme (outre le fait de le faire mourir de ses contradictions, et encore). Le libre marché est une fiction; il ne peut fonctionner sans l’État. Le libre marché est aussi une fiction au coeur du libéralisme, une idéologie autoritaire, basée sur l’échange et l’exploitation.
Les seules sociétés humaines qui ont vécu dans un état assimilable à l’anarchie pratiquaient le don, pas l’échange.
Je le répète donc encore une fois: votre attachement au marché (et par la bande, à la propriété) fait de vous un libertarien — un libéral radical — pas un anarchiste. Pourquoi ne pas l’admettre? Il n’y a rien de mal à s’afficher tel qu’on est, bien au contraire.
Juste une petite question sur ta réponse à Bakouchaïev.
Comment peux-tu soutenir que le marché et le capitalisme sont deux choses distinctes?
Le marché, qui fait de tout des marchandises, est ce qui nourrit le capitalisme :c’est le marché qui fait que l’on devient aliéné, incapable de concevoir la société en dehors de ses mécanismes, que ça soit pour le travail ou les interactions humaines.
Je serais heureux d’avoir plus de précision de ta part, ou des indications de lectures à ce sujet, parce que pour moi ça ressemble de l’anarcho-capitalisme (ou anarchiste de marché si tu préfères)ce qui est excessivement dangereux. L’anarchiste conséquent ne veut pas de pouvoir d,État c’est vrai, mais c’est parce qu’il ne veut pas de pouvoir du tout.
Or, le libre marché donne avantage à ceux qui ont plus dès le départ. Si tu te fis à Milton Friedman, tu risques d’être déçu à l’étape de passer à la pratique. Partout où ses idées ont été appliquées (Chili, Bolivie, Russie post-soviétique) il en a résulté une formidable richesse pour quelques individus, et un agrandissement du fossé entre riches et pauvres. Par exemple, en Russie, avant la mise en place de la thérapie de choc économique de Elstine, sous Gorbatchev, il y avait 2 millions de russes vivant sous le seuil de la pauvreté. Quelques années après la libéralisation des marchés: 74 millions.
C’est à ce marché là que tu fais confiance pour établir une société anarchiste juste? J’en frémis presque. 🙂 bonne année et merci pour ton stimulant blogue par ailleurs.
@François Tremblay
Voilà qui résume bien ma pensée.
@François
Vous n’avez pas la même définition de marché que moi. Vous semblez confondre le capitalisme, un système étatiste, avec le libre-marché
« Je serais heureux d’avoir plus de précision de ta part, ou des indications de lectures à ce sujet, parce que pour moi ça ressemble de l’anarcho-capitalisme (ou anarchiste de marché si tu préfères) ce qui est excessivement dangereux. »
Ça ressemble en effet à l’anarchie de marché, j’en conviens. Sauf que mon idée ressemble encore à la version mutualiste de l’anarchie de marché. Précisons que le droit de « propriété » qui y est prôné n’est pas le même que celui prôné par les anarcho-capitalistes et les libertariens.
Je vous suggère d’aller voir ces deux blogues pour mieux comprendre à quoi je veux en venir:
http://francoistremblay.wordpress.com/ (François Tremblay)
http://mutualist.blogspot.com/ (Kevin Carson)
Et cet autre site de Kevin Carson est fort intéressant:
http://www.mutualist.org/index.html
Il y a aussi cet article de Per Bylund qui définit la théorie « Use-Right », qui ressemble beaucoup à ce que je veux en venir:
http://www.anarchism.net/anarchism_privatepropertyorpossessionasynthesis.htm
Lisez aussi ces 3 billets précédents de mon cru:
https://anarchopragmatisme.wordpress.com/2008/04/14/possession-et-propriete/
https://anarchopragmatisme.wordpress.com/libertarianisme-vulgaire/
https://anarchopragmatisme.wordpress.com/2008/08/21/pourquoi-les-anarchistes-et-les-libertariens-non-vulgaires-doivent-etre-anti-capitalistes-et-pro-libre-marche/
« C’est à ce marché là que tu fais confiance pour établir une société anarchiste juste? »
Certainement pas!
@Anne
Merci pour votre commentaire fort intéressant. À suivre dans mon prochain billet. Mais je vous avertis: ma réponse sera incomplète.
Pas rapport avec ce billet. Peux-tu changer le nom de mon blogue dans ta blogoliste: Homo politicus. Merci!
Ce qui est fait!